Philippe Notre Friant, 50 ans, juge revoque, car trop proche des prostituees. Il va i?tre en greve d’une faim pour demander sa reintegration. Un juge via le trottoir.
Philippe Le Friant a sa foi ruine. Lui reproche-t-on de n’avoir gui?re
obtempere aux multiples avertissements de sa propre hierarchie? «Les magistrats sont censes etre independants», retorque-t-il aussitot. Voici dix annees, juge au tribunal d’instance de Brioude, il etait radie, procedure rarissime, par le Conseil superieur en magistrature, Afin de avoir partage notre vie de la prostituee. Depuis le 5 novembre, il a entame une greve une faim pour obtenir sa reintegration.
Juge, Philippe Le Friant de Pourquery avait forcement voulu l’etre.
«Dans l’arbre genealogique ma famille maternelle, on trouve des magistrats sous l’Ancien Regime», lache-t-il, ravi du haussement de sourcil de le interlocuteur. C’est que le air de chien battu evoque plus un pretre defroque qu’un rejeton en noblesse de robe. N’empeche, le grand-pere, Henri de Pourquery de Boisserin, a preside la cour d’assises qui a juge en 1954 «l’empoisonneuse» Sophie Besnard.
Neanmoins, le pere Le Friant reste marin. Ses jumeaux Pierre et Philippe, il ne les voit que sur la mer. Que Realiser? Suivre la voie tracee par le prestigieux lignage maternel ou prendre le sillage paternel? Philippe hesite, ne choisit pas vraiment, rate quelque peu ses etudes. Il entre au ministere une Justice par la petite porte de l’education surveillee. Educateur, Cela reste confronte a la prostitution des mineurs. Cela adhere au Nid, association qui exfiltre nos meufs du trottoir pour des reinserer. «C’est uniquement via idealisme que je m’y suis interesse. J’ai vite compris qu’il s’agissait d’une forme d’esclavage qui sevissait juste sous les yeux.» Lorsque, enfin, il est nomme juge au tribunal de police de Lyon apres avoir reussi le concours interne de l’Ecole d’la magistrature, il reprend fort vite son action en faveur d’la reinsertion des prostituees. Mais, de la passion a J’ai fascination, il n’y a que la largeur tout d’un trottoir. Bientot, Notre Friant connait la plupart des filles de Lyon et leurs jules.
Au moment, le juge rend la justice. Notre nuit, le marin qui vibre en lui s’immerge dans les rues chaudes et les cabarets interlopes en capitale des Gaules. «Il y a, dans le monde d’une nuit, un type de relations nombre plus convivial, il y a une ambiance qui m’attirait, a mille lieues du type bon chic bon genre qui m’a i chaque fois rebute.» Mais jamais, jure aujourd’hui Le Friant, il n’en a abuse. «Je connais trop le caractere sordide une prostitution. L’aspect furtif de ce theatre des illusions n’a jamais ete ma tasse de the!» Neanmoins,, au palais de justice, on jase. Voyous et magistrats l’affublent tout d’un meme surnom: «le juge des putes». Ca lui plait. Il en rajoute, multiplie nos defis, s’affiche au bras de la maquerelle reputee, dont «l’homme» est a l’ombre. Lors d’une perquisition, on retrouve le Colt dans le coffre-fort du bar du monsieur. Un differend l’oppose a votre juge d’instruction. Notre pomme de discorde se nomme Blandine, dite Yeux-Bleus. «Une fille tres belle, que j’avais mise au trou pour association de malfaiteurs dans une grave affaire de vol», se souvient Georges Fenech, Actuellement president de l’APM (Association professionnelle en magistrature, syndicat classe a droite). «J’etais en train de la sortir du trottoir. En l’incarcerant, on me detruisait des semaines de travail», dit Le Friant qui recupere au greffe la cle de l’appartement d’la belle pour nourrir ses lapins. Le juge Fenech fait un rapport.
Le Friant se trouve au vert, catapulte au tribunal d’instance de Brioude, Haute-Loire. Avec interdiction absolue de s’interesser a la prostitution. Les enquetes, menees par la police et des RG, montrent qu’on ne va lui reprocher la moindre corruption. Pour lui, donc, c’est une injustice: «Ils ont estime que mon action de militant nuisait a mon impartialite de juge. Moi, j’imagine que le souci de de nombreux juges, c’est qu’ils ne connaissent gui?re la moitie de votre qu’ils sont amenes a juger.» Le Friant n’en demord nullement, il n’est victime que des «convictions avancees sur la justice, qualifiees a l’epoque de gauchistes. J’ai voulu simplement sortir la justice des palais, agir la ou nos libertes sont en peril». Et d’ajouter, sur de lui: «Depuis, ces remarques ont fait quelque peu de chemin.»
A Brioude, la nuit, seuls des chats errants foulent les trottoirs. Mais, un jour, le telephone sonne dans son travail. «Allo, c’est comment s’inscrire sur transgenderdate X., de Lyon!» X, dix annees de turbin. Le Friant l’avait rencontree a plusieurs reprises. Elle souhaite raccrocher pour de bon et craint pour sa vie. A bout de nerfs, elle appelle «le juge des putes» au secours. «Venez!» Cela reste tard, il la conduit chez lui. «Je pensais lui trouver une place en foyer rapidement, je n’allais pas la mettre a la porte.» Le Friant en refere a le president qui redige aussitot un rapport. Le 18 juin 1988, la sanction du Conseil superieur d’la magistrature tombe. Philippe Notre Friant a attente «a l’honneur d’une magistrature», Cela reste radie. «J’avais peche contre l’atmosphi?re. Uniquement contre l’atmosphi?re, car ce n’est qu’apres votre decision que cette femme et moi avons eu une relation sexuelle.»
ANPE, petits boulots, c’est la degringolade. En 1990, c’est manoeuvre dans une usine. Une machine happe sa main. Il reste handicape. Sa compagne voit des fois des interims de comptabilite, le metier qu’elle exercait avant d’etre «vendue» au milieu par le mari, 1 joueur fortement endette. Philippe pointe l’allocation solidarite, 1 800 francs. «Ce fut une terrible traversee du desert, une periode de grande solitude», dit Notre Friant, jusqu’a votre qu’Ulla, porte-parole des prostituees, les rapproche de Mireille Dumas. L’animatrice leur ouvre son emission, edite le recit de leur tragique aventure. Cela reste aussi question tout d’un film bien par Claude Berri. Un scenariste se met au bricolage. Neanmoins, le projet tourne court. Histoires de gros sous. Le Juge et la prostituee, titre du livre, paraissent dans orbite mediatique. «En dix ans on a eu environ 300 articles et une douzaine d’emissions tele», compte-t-il fierement. Un comite de soutien se cree. Il fait intervenir un depute UDF. Puis un communiste. Enfin 1 socialiste. Au gre des alternances. Premiere victoire en 1993. Francois Mitterrand amnistie la sanction. Mais, curieusement, une telle decision regalienne n’en efface nullement nos effets. Philippe Notre Friant n’est plus radie, mais il n’est pas pour autant reintegre et reste RMiste.